Exit les mojitos sucrés, les gin tonics chargés, les spritz industriels. Une nouvelle génération de mixologues redonne ses lettres de noblesse à l’art du cocktail. Inspirés par les herboristes, les cueilleurs et les chefs végétalistes, ils réinventent le rituel de l’apéritif autour des plantes, des fleurs et des racines. Bienvenue dans l’univers sensoriel et ultra-pointu des cocktails botaniques.
Une nouvelle esthétique du goût
Les cocktails botaniques, c’est d’abord une affaire de subtilité. Ici, pas de couleurs fluo ni de glaçons en cascade : on travaille avec des extraits de verveine sauvage, des hydrolats de romarin, des sirops maison infusés au pin sylvestre ou au poivre de Sichuan. Le goût devient une carte topographique, un paysage à explorer, entre forêts, prairies et jardins suspendus.
Le visuel suit : les verres sont sobres, les glaçons taillés à la main, les décors comestibles. Un brin d’achillée millefeuille ici, une fleur de souci là. Le bar devient un herborarium chic.
Des bars-herbiers dans les capitales créatives
De Paris à Copenhague, de Montréal à Tokyo, les cocktails botaniques deviennent la signature de bars nouvelle génération. Plus que des lieux de consommation, ce sont des laboratoires poétiques où se croisent mixologie, botanique, fermentation et design.
À Paris, Le Syndicat explore les spiritueux français oubliés avec une approche végétale. À Londres, le Tayer + Elementary de Monica Berg flirte avec la science botanique dans des compositions d’une précision d’horloger. À New York, Double Chicken Please transforme les plats en cocktails – le “Cold Pizza” se savoure avec basilic et origan, façon distillat.
L’essor du low & no alcool
Les cocktails botaniques brillent aussi dans l’univers du sans alcool – mais version haut de gamme. Finie la limonade triste : place aux élixirs non alcoolisés complexes, créés avec des bases de kombucha, de kéfir, ou d’infusions dynamiques. Ces “mocktails” végétaux sont aujourd’hui pensés avec autant de soin qu’un cocktail alcoolisé.
Des marques comme Æcorn, Everleaf ou Jukes se sont spécialisées dans ces alternatives sophistiquées, jouant sur les tanins, l’amertume, la salinité. On ne cherche plus l’ivresse, mais la vibration gustative, l’expérience sensorielle.
Une expérience plus consciente, plus ancrée
À l’heure où la sobriété sélective gagne du terrain, les cocktails botaniques incarnent une nouvelle forme de luxe : conscient, lent, organique. On ne boit plus pour oublier, mais pour ressentir. Pour explorer.
Cette approche connecte aussi à un désir croissant de reconnexion au vivant. Boire un cocktail infusé à la camomille sauvage ou à la cardamome verte, c’est aussi une manière de se relier aux saisons, aux territoires, aux plantes qui nous entourent.
Les mixologues comme alchimistes du goût
Dans ce paysage, les mixologues ne sont plus de simples barmen, mais de véritables alchimistes végétaux. Ils parlent de macération lente, d’équilibre entre acidité et douceur, d’extraction par ultrasons ou de fermentation spontanée. Certains vont jusqu’à cultiver eux-mêmes leurs ingrédients, ou collaborer avec des cueilleurs en permaculture.
On est à la croisée du cocktail, du soin et de la cuisine expérimentale. Le tout dans une atmosphère feutrée, sensuelle, souvent inspirée de l’esthétique apothicaire ou naturaliste.
À la maison aussi, les herbes s’invitent dans les shakers
Cette tendance ne reste pas confinée aux bars haut de gamme : elle inspire aussi les amateurs éclairés. De plus en plus de jeunes urbains expérimentent chez eux des cocktails botaniques à base de sirops maison, d’infusions de plantes locales ou de vinaigres aromatisés.
Sur Instagram et TikTok, les tutos de mixologie “green” se multiplient, entre distillations, glaces florales et décorations comestibles. Le cocktail devient un rituel esthétique, holistique, personnel.
L’élixir comme œuvre vivante
Avec les cocktails botaniques, on entre dans une nouvelle ère du boire : plus artistique, plus sensorielle, plus engagée. Loin de la consommation rapide, on savoure un moment suspendu, entre nature, culture et plaisir raffiné.
Nolwenn Zimolo
